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United Red Army de Koji Wakamatsu

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il y a 14 ans 10 mois - il y a 14 ans 10 mois #36896 par ChaosmoZ
Un véritable bijou miré au ciné la semaine dernière, qui malheureusement ne passe que dans quatre salles en France (Amiens, Le Mans, Lyon & Paris), et sans doute pour peu de temps. Ce film est une BOMBE !! :laugh:

Le site du film : www.united-red-army.com/?language=fr


Bande annonce :




+ d'autres extraits vidéo ici : www.united-red-army.com/?page_id=7&language=fr



Une interview super intéressante du réalisateur, qui explicite bien l'esprit dans lequel a été réalisé le film...

ENTRETIEN AVEC KOJI WAKAMATSU

Un temps yakuza, Koji Wakamatsu devient cinéaste après avoir purgé une peine de prison. Il réalise d’abord des films pink, puis, dès la création de sa propre maison de production en 1965, des œuvres ultra militantes, exhortant la jeunesse à se lever contre l’oppression, comme L’Extase des anges ou Quand l’embryon part braconner.

Quelle a été l’impulsion à l’origine de United Red Army ?
Il y a eu trois pays fascistes : le Japon, l’Allemagne et l’Italie. Et pour une raison ou pour une autre, dans ces pays fascistes, après la guerre, des jeunes gens se sont réunis sous la même idéologie, le communisme et l’armée rouge. Il y a bien sûr des différences. Alors qu’en Allemagne et en Italie le peuple s’est battu contre le pouvoir en place, au Japon ils se sont entretués, et cette différence est pour moi douloureuse.
Je voulais examiner les raisons qui ont amené des jeunes gens talentueux, promis à un bel avenir, à se dresser. Je voulais montrer ce contre quoi ils se sont levés et pourquoi ils se sont battus. J’ai voulu mettre ces questions dans un film, montrer pourquoi ils sont tous partis dans les montagnes, et pourquoi cela s’est avéré un désastre.
Même si cela peut paraître un peu exagéré, j’ai voulu faire ce film pour les générations futures. Au Japon il y a tant de films sur l’affaire Asama, tant de films confus, fantasmés ou mensongers que je voulais restaurer la vérité et la transmettre aux générations futures. Je sens que c’est ma mission en tant que cinéaste. Le déclic a été le film adapté des mémoires de l’officier de police Sasa, Le choix d’Hercule : lorsque je l’ai vu, j’ai su qu’il me fallait faire un film sur le sujet pour enfin dire la vérité. Et je sentais que ces jeunes gens assassinés ou tués pendant les évènements me disaient de dire ce qu’il s’était vraiment passé. Ils m’ont donné du courage. En réalité, beaucoup d’histoire proviennent du point de vue de cet officier de police, qui montre comment les policiers ont attrapé les méchants. A l’époque le siège a été retransmis, 10 heures durant, par la télévision japonaise dans tout le pays afin de tuer le mouvement. Il s’agissait vraiment d’une stratégie pour montrer que la jeunesse était mauvaise et pour leur dire : si vous participez à ces mouvements, on vous opposera la force d’état et vous deviendrez les méchants.

Aviez-vous l’intention, dès le départ, de faire un film qui soit mi-documentaire mi-fiction ? Que recouvre exactement la partie fiction ?
Il y a des archives de journaux des années 1960 et 1970. Je voulais inclure ces images car je crois qu’on ne peut pas comprendre le contexte des évènements d’Asama sans cela. Il vous faut inclure tous ces documents pour comprendre comment certains Japonais se sont levés contre le pouvoir en place. Après, bien sûr, j’ai dû imaginer une partie de fiction parce que l’époque n’est plus la même, les paysages ont changé. J’ai fait beaucoup de recherches et lors de ces recherches il m’est apparu qu’il faudrait des éléments de fiction pour représenter certaines situations, sans quoi je n’aurai pas pu en parler. Je voulais être très honnête, c’est pourquoi un carton précise au début du film qu’il s’agit d’évènements réels avec quelques ajouts de fiction.

La fiction sert donc à combler les blancs de ce que nous ne pouvons pas savoir ?
Bien sûr il y a des acteurs qui jouent donc cela ne peut pas être documentaire, cela concerne les émotions. J’ai parlé à Kunio Bando qui a vécu les événements d’Asama à l’époque. Je lui ai demandé comment cela s’était passé. Ce qui se trouve dans le film m’a été raconté par les protagonistes réels. Tous les évènements sont basés sur des faits. Mais il n’y a aucun document qui atteste de ce qui s’est passé là-bas.

La partie documentaire ne vise-t-elle pas également à susciter de l’émotion ? Il y a énormément d’informations et de documents différents en une heure. Vouliez-vous quelque chose d’aussi oppressant dans la partie documentaire ?
Ce sont les faits nécessaires à la compréhension.
Je tenais à commencer le film par la mort de la jeune Michiko Kanba devant le bâtiment de la Diète, lors de l’émeute contre le Traité de sécurité nippo-américain en 1960. La guerre du Vietnam avait éclaté, Malcolm X avait été assassiné, la révolution culturelle avait lieu en Chine, et en France Mai 68 battait son plein. Le monde était en pleine ébullition. Au Japon, il y avait les mouvements étudiants contre l’augmentation des frais universitaires, le scandale financier de l’université Nichidai, la révolte des paysans à Sanrizuka contre la construction de l’aéroport de Narita, des manifestations pour la rétrocession d’Okinawa et contre la guerre au Vietnam. Si on ne relate pas correctement le contexte de cette époque, alors on ne peut pas comprendre pourquoi l’Armée Rouge Unifiée a été créée. Je voulais décrire cela et analyser cette époque.
Au Japon aujourd’hui, certaines personnes ne savent pas ce qui s’est passé, ne savent même pas que le Japon a combattu les Etats-Unis. Il y a un cruel manque de compréhension et de connaissance de l’Histoire, et je voulais m’assurer que ces évènements seraient racontés. Je voulais m’assurer que ces jeunes gens qui sont descendus dans la rue pour crier fort ce dont ils ne voulaient plus, jusqu’à être arrêtés par la police, que cela soit su. Pendant la guerre du Vietnam, beaucoup d’armes ont transité par le Japon, c’était une base de transit pour les armes qui étaient ensuite envoyées au Vietnam. Le peuple était très en colère contre le gouvernement japonais, qui se contentait d’exécuter que ce que les Etats-Unis lui dictait. C’est pourquoi des émeutes ont eu lieu à la gare de Shinjuku (où transitaient les armes destinées aux bases américaines). Cela a eu un grand impact sur la jeunesse.

Vous-même, comment avez-vous vécu cette époque ?
Je crois en ces jeunes. Bien sûr je critiquais aussi le fait que ces étudiants intellos, qui n’avaient jamais travaillé, criaient « Camarades ouvriers ! » et exposaient des théories difficiles. Je leur disais : « Ayez des propos plus compréhensibles ! ».
Mais, honnêtement, n’y a t-il pas que les jeunes qui puissent se lever pour changer le monde ?
C’est grâce à leur combat que le système de recrutement miliaire n’existe pas au Japon et que je peux continuer à réaliser des films librement, comme je le veux.
Au moment de la fusillade du chalet d’Asama, je me sentais de leur coté, contre les autorités. Quand ils ont ensuite annoncé qu’une purge avait eu lieu entre les membres de l’Armée Rouge Unifiée, cela a été un choc.
A cette époque, Masao Adachi* et moi-même venions de tourner Armée Rouge - FPLP : Déclaration de guerre mondiale et j’ai appris que Mieko Toyama, qui nous avait aidés à trouver des salles pour le film, avait aussi été tuée. J’étais fou de rage, mais je n’y pouvais rien. Je me suis dit que je ne le leur pardonnerais jamais.
Ensuite je me suis calmé et j’ai réfléchi. Comment en était-on arrivé là ? Si les choses ont tourné ainsi, si au départ des étudiants à la carrière tracée ont pris conscience qu’il fallait réformer la société, c’est qu’il devait y avoir une raison.
Alors j’ai cherché à comprendre. Et en tout cas, je ne me permettais aucun commentaire facile pour me dérober, du genre « ça c’est pas bien » ou « ça c’est mal » aussitôt une information diffusée.

Vous donnez l’impression que, quelque part, vous souhaitez les approuver.
Qu’il soit juste ou non de les approuver n’est pas le problème. L’essentiel c’est de comprendre ce qui était leur raison de vivre. De nos jours Il y a beaucoup de personnes qui les jugent stupides. Mais moi je dis que ceux qui, d’une manière simpliste, traitent de stupides des jeunes qui ont renoncé à une vie confortable et à eux-mêmes pour se battre, sont ceux qui sont réellement stupides.
Il y a aussi des personnes qui m’ont demandé pourquoi traiter maintenant ce sujet au cinéma, mais moi au contraire, je voudrais poser la question suivante : qu’est ce qui a changé entre cette époque et aujourd’hui ? Il y a la guerre en Irak, l’alliance américano-japonaise, et la surveillance de l’Etat qui s’est durcie. A l’université il n’est même pas possible de brandir une pancarte librement. Rien n’a changé.
Si la guerre éclatait, nous-mêmes et nos adversaires tuerions, serions tués ; la stupidité est que nous sommes devenus insensibles à cette réalité.
On est assez stupides pour être prêt à changer la constitution pour qu’elle nous permette de faire la guerre.
Je ne dirais pas que ces jeunes avaient raison. Mais je pense que les atrocités dont ils sont responsables sont le reflet d’une certaine société. Et qu’il est facile pour ceux qui n’ont jamais combattu de critiquer.

Vous avez représenté tous les protagonistes sous leur vrai nom.
Mon intention n’était pas de me moquer d’eux, je les ai sincèrement décrits comme ils étaient, et j’ai pensé : si les attaques doivent venir, qu’elles viennent. Mais aucune n’est venue à ce jour. Les types de la Faction Arnée Rouge (FAR) m’ont dit que j’avais bien retracé la vérité. L’acteur qui campe le personnage de Takaya Shiomi est plus beau que l’original, cela devrait lui faire plaisir ! Il y a juste Yasuhiro Uegaki qui dit que la montagne enneigée a été traversée de nuit alors que dans le film, la scène se passe de jour. Mais il ne s’agit pas d’un film de reconstitution. La caméra restitue difficilement la montagne en pleine nuit ! Il ne s’agit là que d’un film. Mais les protagonistes m’ont beaucoup aidé pour le tournage en m’éclairant sur les circonstances de l’époque et je les en remercie.

La rumeur dit que pendant le tournage vous vous mettiez en colère toutes les 15 minutes.
Personnellement, je n’en ai pas le souvenir. [rires] Mais c’est vrai qu’en visionnant le making of, je me rends compte que j’interviens beaucoup ! C’est parce que j’étais accaparé par le film à tous les niveaux. Je tourne, et en même temps je dois m’occuper des problèmes d’argent. Plus les jours de tournage augmentent, plus ça coûte de l’argent. J’ai vraiment fait un film avec un budget restreint. En plus de ça, tout en veillant à ce que les acteurs et l’équipe technique ne se blessent pas et qu’ils aient à manger, je devais écrire mon histoire. Vraiment, c’était dur. Je m’efforçais désespérément de tout faire.
Et puis, la « tronche » des acteurs d’aujourd’hui est bien différente de celle des militants d’autrefois. Il a fallu recadrer les choses, leur faire comprendre ce que c’était à l’époque. Je n’ai pas cessé de me mettre en colère parce que j’étais plongé dans des conditions extrêmes de tournage. Il se peut que leur tête ait petit à petit « changé » à cause de cela ! [rires]

Certaines interprétations sont particulièrement saisissantes, telles que celles des personnages de Tsuneo Mori ou Hiroko Nagata.
Oui c’est vrai. Il se peut que certains soient allés au delà de l’interprétation. Comme dans un camp, on dormait ensemble, on mangeait ensemble, on était 24 heures sur 24 ensemble. On pouvait difficilement relâcher la concentration. Je pense que l’esprit de solidarité nécessaire n’aurait pas pu naître dans les conditions de tournage d’un film ordinaire.
Pour ce film, il n’y avait pas de costumière, ni de maquilleuse (si ce n’est pour simuler des blessures), et je n’ai pas non plus autorisé la présence des agents. Les acteurs devaient être responsables de leurs costumes et accessoires. Si on a juste à mettre les vêtements qu’on nous a préparés et à se présenter au maquillage, on ne peut aboutir à un tel résultat. Je n’ai pris que des acteurs qui ont accepté de jouer dans ces conditions et avaient envie de faire le film.

On vous a vu en tête de ligne, le visage dans le vent, déployant une force à toute épreuve. Si vous n’aviez pas montré l’exemple, ni les acteurs, ni l’équipe technique ne seraient allés aussi loin dans leur abnégation.
Tous les matins j’étais le premier à me lever et je travaillais les scènes que j’allais tourner le jour-même. Je ne prépare jamais de storyboard, tous les découpages sont dans ma tête. Tous les matins, je révisais avant de me rendre sur le tournage. Si je fais comme ça c’est pour éviter de m’égarer pendant le tournage effectif. Je n’ai pas le temps de m’égarer. Si je me perds, alors le tournage s’arrête. Mais je pense que ce film, nous l’avons tourné tous ensemble. Les assistants réalisateurs y compris. Si une seule personne avait manqué, nous n’aurions pas pu réaliser le film. C‘est ce que j’ai dit à mon équipe à la fin du tournage. C’est pour ça que je répétais sur le tournage : « Ne vous laissez pas porter par la routine, arrêtez de prétendre que vous savez tout ! », « Tout ce que vous avez appris auparavant, oubliez-le ! ». C’est pour ça aussi que sur le tournage, il n’y avait pas de fonctions attitrées. Chacun faisait en fonction de ses capacités. Les cadreurs et les opérateurs conduisaient eux-mêmes les voitures. L’équipe d’éclairage est même allée exprès jusqu’à Shizuoka pour louer un camion moins cher. Tous comprenaient que le budget était limité et ils se sont vraiment démenés.
Sur un tournage ordinaire, il y a l’équipe de tournage et l’équipe de production, tous ne font que ce qui rentre dans leurs attributs, ils fonctionnent comme des bureaucrates. Mais cette fois-ci, j’avais décidé de mettre un terme à cette pratique. Il est même arrivé que je demande aux acteurs de réfléchir eux-mêmes sur la mise en scène pendant le tournage. N’importe qui peut jouer la comédie, et si moi je peux réaliser des films, n’importe qui peut le faire, c’est une question de volonté.
Pourtant, il y a trop de films réalisés sans volonté de nos jours.
Il faut que le ministère de la culture arrête de donner de l’argent à ce genre de films. A moi, il ne m’en donne jamais ! [rires] Pour ce film, j’ai fait une demande de subvention, mais j’ai été tout simplement débouté. J’avais préparé une tonne de documents pour la demande de subvention et eux, ils ont rejeté ma demande sur un bout de papier –du coup, j’ai hypothéqué ma maison et le cinéma dont je suis propriétaire, et je pense aller à la banqueroute ! [rires] Ce ministère pourrit la culture japonaise, je souhaite le dire haut et fort. Parce qu’on a besoin d’argent pour faire du cinéma, on ne tourne souvent que des films qui flattent le ministère de la culture. Enfin, pour une œuvre déboutée par le ministère, j’ai quand même reçu un prix au Festival du Film de Tokyo !

Pendant le siège, il devient vraiment difficile de voir clairement ce qui se passe, il y a beaucoup de poussière et de brouillard, des coups de feu partout, et la caméra reste à l’intérieur de telle sorte qu’on ne voit jamais ce qui se passe dehors. N’était-ce que pour des raisons financières ?
Oui et non. Dans la réalité, on ne voit jamais les choses que d’un point de vue, donc autant que c’est possible, c’est ce que je choisis de faire.

Le sujet vous tenait vraiment à cœur…
Rendez-vous compte, avant que ne surviennent les événements d’Asama et la purge qui a précédé, les artistes comme les intellectuels soutenaient les mouvements étudiants, voire les actions de la FAR. Mais suite à cette affaire, ils ont tous retourné leur veste ! Pour citer une affaire plus récente, les frères boxeurs Kameda ont récemment raté un match et les média les ont mis à terre et leur ont tapé dessus. Si tu tombes, on se jette sur toi pour te taper. On tape sur le plus faible, sans essayer de comprendre. De la même façon, tous se sont jetés sur l’Armée Rouge Unifiée. Ils ont tout d’un coup retourné leur veste et se sont mis du côté de ceux qui frappaient. Moi je suis contre cela.

Dans le regard que vous portez sur ces jeunes de l’Armée Rouge, il y a peut-être aussi de la compassion ?
Ils étaient prêts à mourir. Même si j’ai souvent entendu que cela ressemblait à l’affaire de la secte Aum, la différence se situe là. C’est pour ça que Mori avait décidé de régler sa dette en se donnant la mort. Bien sûr que sa mort est discutable. Mais le gourou de la secte Aum, il ne s’est même pas opposé au pouvoir et ne s’est pas non plus ouvert le ventre. Il s’est contenté de se cacher sous un toit. Si au moins il y avait eu une fusillade avec la police, j‘aurais pensé que Aum aussi avait du cran.
Quand je me suis demandé de quelle manière je devais représenter la mort de Mori, j’ai trouvé une lettre d’adieu qu’il avait adressée à ses frères d’armes juste avant de mourir, et j’ai pensé qu’il fallait l’utiliser. Mori, qui avait pourtant commis des horreurs, y faisait son auto-critique et mentionnait qu’il allait mourir dans la solitude. Peut-être que je voulais que le film se termine en montrant aux spectateurs qu’il y avait une lueur d’espoir.
Si je n’avais pas eu de l’affection pour ces jeunes, je n’aurais certainement pas pu les dépeindre de la sorte. Quel que soit l’être humain, n’y a-t-il pas quelque part de la bonté en lui ? Le criminel est simplement celui qui ne réussit pas à contrôler le côté obscur que chacun possède en lui. Regardez-moi par exemple, si je n’avais pas eu le cinéma, j’aurais peut-être pris un chemin plus sombre et serais peut-être devenu un criminel.
A travers la manière dont meurt Mori, j’ai voulu faire renaître l’être humain. Je voulais que ceux qui pensent ne pas pouvoir lui pardonner le voient et qu’ils réalisent que ce qui a fabriqué un être qui n’a eu d’autre choix que de se donner la mort c’est l’Armée Rouge Unifiée, mais que ce qui a fabriqué l’Armée Rouge Unifiée c’est la FAR, qui elle-même est le produit du Japon de l’après-guerre qui, par le sang versé durant la guerre de Corée, a pu redresser son économie.
Pourquoi ces jeunes gens ont-ils été poussés jusque-là ? Les types qui ne comprennent pas que certains soient prêts à mourir et qui jouissent d’une situation confortable, sans jamais avoir eu à se battre, n’ont pas le droit de les juger.

Que ressentez-vous maintenant que le film est terminé ?
Ce film était comme un pari et je me suis jeté à l’eau pour le produire. Mais j’avais des doutes, je me disais, que peut être aucune salle ne projetterait mon film, que si je faisais un faux pas, ce film serait perdu. J’étais très angoissé. Maintenant je pense que si je n’avais pas tourné ce film, je ne pourrais pas mourir en paix. C’est pour cela que j’ai décidé de le produire en me disant, « faisons de notre mieux et faisons-le seul ».
Maintenant le film est terminé et je vois des spectateurs qui versent des larmes, alors je me dis que le film fait son chemin. Plus le film sera vu, plus il grandira.

Propos recueillis par Asako Otomo (novembre 2007) et Antoine Thirion (février 2008).


Filmographie sélective de Koji Wakamatsu : L’amour derrière les murs (1965), Quand l’embryon part braconner (1966), Les anges violés (1967), La saison de la terreur (1969), Va, va vierge deux fois (1969), Naked Bullet (1969), La vierge violente (1969), Violence Without a Cause (1969), Réflexions sur la mort passionnelle d’un fou (1969), Shinjuku Mad (1970), Sex Jack (1970), Armée Rouge / FPLP : déclaration de guerre mondiale (1971), L’extase des anges (1972), United Red Army (2008).


*Masao Adachi est né en 1939, dans la préfecture de Fukuoka.
Il rejoint Wakamatsu Production et écrit de nombreux scénarios dont Quand l’embryon part braconner.
En 1974 il part en Palestine où il rejoint les rangs de l’Armée Rouge Japonaise (ARJ).
En 1997, il est arrêté au Liban et incarcéré. En 2000, il est extradé au Japon.
En 2001, il est condamné à 2 ans de prison puis relâché.
C’est en 2006 qu’il sort son premier film en 35 ans : Prisoner - Terrorist.

source : www.united-red-army.com/?page_id=4&language=fr




+ Un p'tit article de Rue89, mais qui ne rend pas vraiment compte à mon sens de la qualité du film - ne porter aucun jugement.

« United Red Army » : l'extrême gauche japonaise en dérive

Par Pierre Haski | Rue89 | 08/05/2009 |

« United Red Army », le titre claque au vent comme un vieux film russe d'Eisenstein, mais c'est au Japon que cela se passe. Nous sommes au début des années 70, et une frange de l'extrême gauche japonaise se radicalise, bascule dans la lutte armée. Des années de plomb version nippone, décortiquées dans une incroyable saga de 3h10 de Koji Wakamatsu, rythmées par la musique psychédélique de Jim O'Rourke.

En Italie, en Allemagne et au Japon, des pans entiers de l'extrême gauche ont ainsi basculé, dans la foulée des illusions perdues de 68, dans une action violente sans issue, autodestructrice et s'achevant le plus souvent dans un cul de sac sanglant. La dérive japonaise est la moins connue en France que celle des Brigades rouges italiennes ou de la Fraction armée rouge allemande dont Jean-Pierre Thibaudat nous disait qu'elle avait fait l'objet récemment d'un spectacle au théâtre de la Colline à Paris : ce film comble une véritable lacune.

« United Red Army » montre avec une minutie diabolique l'engrenage dans lequel est entrée une partie de la jeunesse japonaise, radicalisée par l'alliance nippo-américaine de l'après-guerre, par l'impact de la guerre du Vietnam et de la Révolution culturelle, et par les conservatismes de la société japonaise. Les images noir et blanc de ces années de manifs géantes, hyperdisciplinées, s'achevant en baston géant avec les forces de police, replacent l'épopée dans son contexte historique.

L'autocritique et la mort

Le passage à la lutte armée pousse les militants japonais dans une voie qui dérive très vite vers l'autodestruction. La nécessaire discipline des clandestins se double d'un puritanisme et d'un abandon de tout individualisme, et tout manquement est passible d'une autocritique musclée, et, progressivement, de la mort.

On relèvera ainsi quatorze victimes de ces séances monstrueuses d'autocritique collective, sur lesquelles Koji Wakamatsu, le chroniqueur passionné de ces années folles, ne nous épargne aucun détail, aussi insupportables soient-ils. Une manière de nous faire entrer dans la psychologie du groupe, son décalage croissant avec la réalité, son idéalisme doublé de calculs mesquins d'appareils ou d'egos. Des situations dans lesquelles la vie humaine compte de moins en moins, en profond décalage avec un discours humaniste.

De quoi faire ressurgir en mémoire le titre de Libération lors de la lutte implacable entre l'Etat ouest-allemand et le groupe Baader-Meinhof : « la guerre des monstres », marquant la rupture de l'extrême gauche française avec ce choix de la violence.

La troisième partie du film évoque un épisode fortement médiatisé à l'époque : le siège d'un groupe de jeunes armés, acculés dans une maison d'Asama Sanso, un village perdu en pleine montagne, où ils prennent une femme en otage. Un long siège, entrecoupé de fusillades, de moments drôles ou tendus, qui marquent, de fait, la fin de cette épopée.

Une fin symbolisée, en quelque sorte, par une phrase de la mère d'un des jeunes forcenés d'Asama Sanso, qui s'adresse à son fils par mégaphone pour l'inciter à se rendre :

« C'est fini, Nixon est en visite chez Mao »…

On sort du film sonné par la force cinématographique et par le poids de l'histoire. Une tranche de vie du XXe siècle qui a mal tourné. (Voir la vidéo de la bande annonce)

source : www.rue89.com/la-bande-du-cine/2009/05/0...-japonaise-en-derive

Dernière édition: il y a 14 ans 10 mois par ChaosmoZ.

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